Jour 143 - 张掖 (Chine)
Publié le 13 Juillet 2013
C'est la classe (moyenne)
Zhang a 40 ans, une femme et un enfant (le chien, ils l'ont bouffe). Pas deux gosses, non. Ce cadre a China Mobile aurait bien aime mais c'est interdit pas le Parti. Du coup, le petit Yao, un peu capricieux certes (mais "tellement mignon"), est choyé comme un empereur miniature. Pour les vacances, Zhang lui avait promis de visiter un peu de cet immense, fier et beau pays qui est le leur. Promesse tenue : dans ce grand mouvement de transhumance estival des classes moyennes, tout le monde a embarque depuis le petit village de Zhangye, 260 000 habitants, pour rejoindre le Far West chinois et ses paysages a couper le souffle.
Dans le train, Jiang, l'épouse de Zhang, fait la navette entre le robinet d'eau chaude et les "couchettes molles" pour remplir les bols de noddles. Avec deux ou trois pattes de poulet sous vide, un paquet de saucisses de Strasbourg de Pékin et un litre de thé par personne toutes les demi-heures, voila qui devrait rassasier l'équipée pour les 21 heures de trajet jusqu'au Xinjiang. D'ailleurs le temps passe tellement vite que Zhang n'a même pas le temps de finir son deuxième paquet de cigarettes entre les wagons. Il est 9 heures en gare d'Urumchi et il n'y a déjà plus une seconde a perdre.
Trop belle la route
Un "bus touristique" attend son flot de vacanciers pour une ballade au Tian Chi, un lac allonge d'un bleu profond qui se niche au pied du Pic de Dieu, a 5445 mètres d'altitude. L'idéal pour une bouffée d'air frais et de tranquillité. Le bus roule depuis une heure au milieu d'un paysage aride, clairsemé d'étranges tas de terre funéraires, quand la guide, qui n'arrête de crier dans le micro et d'ordonner de laisser les rideaux fermes, annonce un premier arrêt dans un musée de souvenirs. Zhang en profitera pour acheter des plantes médicinales et de la peau de serpent en poudre, excellent pour la circulation sanguine.
Puis c'est l'arrivée au parc. Un badge a se passer autour du coup est remis a chacun. Des fois qu'un urbain se ferait la malle dans la campagne, sans doute. Le billet d'entrée est cher, tout le monde y va, donc l'endroit est magnifique, se dit Zhang. Ça se confirme une fois passée les portiques de sécurité et la fouille méticuleuse en plein milieu du massif des Tian Shan. La famille découvre ainsi une route flambant neuve a bord du nouveau bus bonde qui les prend en charge. Même la rivière qu'elle longe est neuve. Détournée de son cours naturel pour égayer la vue des passagers - alors que les troupeaux de moutons et les pauvres paysans du coin sont caches par une épaisse haie de peupliers - elle coule en (fausses) cascades régulières tous les dix mètres, depuis le lac.
Le lac ? Zhang, Jiang et Yao n'y sont pas encore. Le car effectue d'abord un stop obligatoire dans un "village kazak traditionnel" ou sont dispersées des (fausses) yourtes avec des (vrais) nomades sédentarisés dedans. C'est Disney land au milieu de nulle part. Tout a sa joie, Zhang en profite pour acheter un chapeau de cowboy.
Trop belle la pancarte
Puis c'est l'arrivée au pied du Pic de Dieu. Enfin presque. Il reste encore 50 mètres a faire et la petite famille n'hésite pas longtemps avant d'embarquer dans l'une de ses voiturettes électriques qui jalonnent, chez nous, les 18 trous. En haut, le plan d'eau est bien la, entoure de barbelés, de (faux) arbres (antennes de téléphonie mobile) et de milliers de touristes... mais séduisant quand même les aigles alentours par sa superbe silhouette léchant les orteils des glaciers. Jiang ne prête pas attention a ses détails. C'est une pancarte traitant de la géologie des lieux qu'elle choisit d'abord de prendre en photo. Elle ne l'a pas lue mais tout le monde fait pareil ; il doit bien y avoir une raison a cela, se dit-elle. Ce sera le 25 ème cliche des 852 qu'elle tapera en ce jour béni. Ensuite Jiang en profite pour acheter une saucisse de Strasbourg de Pékin a Yao qui rale et une ombrelle pour elle, au cas ou les épais nuages viendraient a disparaître. Tout le monde fait pareil, il doit bien y avoir une raison a cela.
Va maintenant pour un tour du Tian Chi ? Une visite a la (fausse) pagode de la dynastie des Qing ? Au (faux) temple bouddhiste ? Un coup d'oeil a l'église romane ? Ah, tiens, non, il n'y a pas d'église romane. Sans doute un oubli des autorités. Lesquelles, par contre, ont tenu a installer un autre (faux) village de yourtes kazakes. Un décor de carte postale salement photoshopé... et déjà vu sur le chemin après tout. Zhang opte plutôt pour un tour sur l'une des nombreuses navettes fluviales qui klaxonnent a tout va. C'est cher, donc c'est magnifique. Et c'est rapide. A peine le temps de revenir sur le plancher des vaches (dont la dernière de la région s'est suicidée en se jetant sous une voiturette électrique l'an passe) et d'avaler un bol de noddles, qu'il faut revenir au bus dont le chauffeur a l'air particulièrement presse.
Le trajet du retour se déroule sans encombre : après une halte obligatoire a une boutique de souvenirs - des (vrais et faux) bijoux en jade - la petite famille sera reconduite a la gare. Pas de temps a perdre a trop cracher par terre (mais un peu quand même) : demain, a Dunhuang, il faudra visiter des dunes de sables a dos de chameaux puis des grottes bouddhiques au milieu d'un groupe de vingt. C'est cher, tout le monde y va, donc l'endroit sera magnifique. Assurément.
PS : Toute ressemblance avec des personnes ayant reellement existe ne saurait etre purement fortuite.
PS 2 : Nous rappelons a nos amis facebook preferes que fb n'est pas accessible en Chine.