Jour 116 - Каракол (Kirghizstan)
Publié le 18 Juin 2013
Lonesome cowboys
"C'était il y a cinq ans..." non loin du village de Kyzart et ses yourtes d'altitude. Deux soeurs kirghiz se rendant jusqu'aux latrines dans l'obscurité se firent sauvagement attaquer par une meute de loups affames. Les fillettes n'eurent jamais l'occasion de finir leur bol de kumiss. "Mais quand arrive l'été, il n'y a presque plus aucun risque", juge bon de préciser notre guide de montagne pour conclure son histoire. "Les loups préfèrent manger les marmottes." Ah. N'empêche que le trajet entre la cabane au fond du jardin et la yourte ne nous a jamais paru aussi long que cette nuit-la, passée a veiller les rives du Song Kol.
Le chemin pour atteindre ce splendide lac d'altitude ne fut pas non plus qu'une partie de plaisir. Avec JD et Faustine, nos deux amis français, nous avions décidé de louer des chevaux et les services de deux jeunes accompagnateurs locaux pour un trek (en même temps qu'un baptême équestre) de quatre jours. Le premier matin, la pluie battante était au rendez-vous. Elle nous a accompagnes pendant cinq heures ; jusqu'à notre première halte chez une famille de bergers ou, tremblotants comme des poules mouillées, nous avons su apprécier a sa juste (et grasse) valeur le bouillon de choux et de mouton. Le lendemain, c'est une neige fournie qui nous attendait au sommet du col d'Ak-Tach. Pas de quoi, toutefois, gâcher la féerie hypnotique des lieux. A 3500 mètres du niveau de la mer, notre caravane noyée dans un épais brouillard, sur un étroit sentier de cailloux pointus se dérobant parfois sous les sabots de nos montures, des vautours de l'Himalaya ont longtemps plane au-dessus de nos capuches.
A poêle de bouses
Puis après avoir franchis torrents et pistes glissantes, nous sommes enfin arrives dans les jailoos (prairies) de Song Kol. La ou, chaque été depuis la nuit des temps, des dizaines de yourtes viennent s'installer pour faire jouir des verts pâturages a leurs troupeaux de ruminants. Nous en avons fait de même, profitant de l'hospitalité (rémunérée) des saisonniers. A l'intérieur, leurs tentes en feutre sont dépouillées de presque tout mobilier. Les parois sont colorées par des tentures murales, tandis que des tapis au sol servent a isoler du froid ambiant. Un poêle alimente en bouses de vaches séchées (il n'y a aucun arbre a cette altitude) permet de garder une température confortable pour les trois générations qui partagent généralement les lieux. Et c'est ainsi que la nuit, écrasés sous des tonnes de couvertures, a peine perturbes par le va et vient des souris, la tete figée vers le shanrak (ouverture ronde dans le toit permettant a l'air et a la lumière de pénétrer sous la tente et a la fumée d'en sortir), des rêves de loups viennent définitivement réchauffer le corps des cavaliers. En somme, LA carte postale du Kirghizistan que nous avions toujours imaginee.
Dans la région, le climat reste aussi hostile que les paysages, paradisiaques. L'air glace et limpide nous a assure parmi les plus beaux ciels étoilés qui puissent être vus. L'accueil des nomades a également été a la hauteur de nos "espérances" de touristes. Pendant ces quelques jours, nous avons pu partager un mode de vie simple et rude bien loin de nos standards occidentaux. Et faire quelques constats, tout aussi "triviaux". Ici, comme ailleurs dans le pays, ce sont bien souvent les femmes qui triment, s'occupent de la traite, de la cuisine, des volailles, du ménage, d'alimenter le poêle... pendant que l'homme boit son thé ou vérifie la selle de son destrier. Nous avons également découvert le rôle de ces chiens, charges d'éloigner les intrus du bétail et qui, pour certains d'entre eux, ne quittent pas d'une canine "leur" propre cheval, qu'il galope, qu'il dorme ou traverse une rivière déchaînée. Nous avons surtout compris, en meme temps que nous enfoncions les portes ouvertes des yourtes, que nos organismes occidentaux sont davantage adaptes au voiture-boulot en climat tempéré qu'au cheval-galop sur les plateaux du Kara Katta : l'un de nous deux a chute deux fois de son bourrin, tandis que l'autre implorait régulièrement le guide de lui laisser finir le chemin a pied. De vrais aventuriers, quoi.